A toi, ma si chère amie qui est enceinte

A toi, ma si chère amie qui est enceinte,

Tu attends ton premier bébé. Je suis tellement heureuse pour toi ! Je vois à quel point tu es ravie, épanouie, et un peu angoissée aussi de ce qui pourrait mal tourner durant la grossesse. Mais tu ne t'inquiètes pas de ce qui viendra après, tu ne redoutes pas la fatigue que tu ressentiras. Tu penses que ça ne sera QUE du bonheur.

Alors évidemment, du bonheur, tu en auras, plein, pour une série de petites raisons différentes, tu verras à quel point on peut aimer, inconditionnellement, un si petit être. Mais à côté de ça, tu devras faire face à des difficultés auxquelles tu ne t'attends probablement pas du tout...

Je voudrais t'éviter certaines déconvenues que j'ai vécues.

Je voudrais te dire que tu vas être épuisée, à bout de forces, que ta fatigue sera tellement importante, et sans commune mesure avec ce que tu avais déjà connu avant, que tu te demanderas peut-être parfois si tu as bien fait de faire cet enfant que pourtant tu désirais tant. Mais ça passera : à un moment ou à un autre, les nuits deviendront plus longues, moins entrecoupées. Tu vas récupérer.

Je voudrais te dire que tu ne deviendras pas systématiquement et instantanément maman, dès qu'on posera ce petit bébé sur ton ventre soudainement tout plat. Non, c'est un rôle que tu devras construire, voire co-construire avec le papa de ton petit bout. Mais ça viendra. Vous allez apprendre à être des parents. Tu ne seras peut-être pas la mère que tu imaginais devenir, mais c'est normal et c'est très bien ainsi ! Tu devras faire, peut-être, le deuil de cette maman que tu pensais être (ou que tu pensais que la société attendait de toi ?). Mais quoi qu'il en soit, tu seras la meilleure mère pour ton enfant.

Je voudrais te dire que tu seras parfois à bout de patience, que tu seras désemparée par ces pleurs qui n'en finissent pas. Que tu te remettras en question, tu penseras que tu es une mauvaise mère parce que tu n'as aucune idée de pourquoi ton enfant pleure. Mais c'est normal. On ne peut pas toujours avoir une explication, ni une recette pour les apaiser. On fait ce qu'on peut, on s'assure qu'il est propre et nourri, on l'accompagne dans ce torrent d'émotions, et on attend que ça passe, bercé dans nos bras. Mais si tu sens que tu arrives en fin de course, que ta patience va définitivement claquer la porte, ne te sens pas coupable si tu le mets au lit, en sécurité, et que tu fermes la porte. C'est bien, c'est très bien, il faut reconnaître ses limites, se permettre de souffler, de passer le relais, avant de commettre un acte qu'on regretterait toute sa vie. Ce n'est pas de la lâcheté ou de la démission parentale, bien au contraire ! C'est la plus intelligente des décisions, et tu ne dois pas te sentir coupable quand tu en arrives là. Car lorsque tu es apaisée, tu peux alors retourner auprès de ton enfant en étant à nouveau pleinement disponible pour lui, remplie d'empathie.

Enfin, je voudrais te dire que tu vas recevoir une tonne de conseils, bienveillants ou légèrement teintés de jugement. Tout le monde aura son mot à dire sur ce que tu décideras pour ton enfant. Je voudrais te dire de ne pas les prendre à cœur, de t'écouter, toi, et de les laisser dire. Mais c'est loin d'être facile. Jeune maman, on est fragile, on a tellement peur de mal faire, que parfois on voudrait les écouter. Et puis, ils sont toujours tellement heureux, ces autres, de te dire comment faire. Tu vas également te rendre compte que, bien pire que les critiques à ton égard, ce sont les jugements de valeur sur ton enfant qui te blesseront le plus. Lorsque quelqu'un se permettra de le critiquer, de juger son comportement, ça te déchirera le cœur. J'ai envie de te dire que, ça aussi, ça passera. Mais... non. Quel que soit le niveau de développement de ton enfant, tes choix alimentaires, d'éducation, tes décisions du quotidien, tout, absolument tout sera sujet de discussions pour les autres. Alors je peux juste te dire : courage, blinde-toi, dis « oui, oui » mais n'en pense pas moins... Ou vole-leur dans les plumes, tiens !

Et en même temps... est-ce que je fais bien de te raconter tout cela ? Parce que, premièrement, rien ne dit que tu vivras les choses ainsi. Après tout, peut-être ai-je été une mère particulièrement nulle ? Peut-être que les autres n'ont pas tant de difficultés que ça, ou ne s'en formalisent pas tant ? De ce que j'entends dans mon entourage, cela ne semble pourtant pas être le cas. On vit toutes des difficultés, le papa ou co-parent aussi ; mais elles prennent différentes formes, durent plus ou moins longtemps selon les cas. Je n'ai aucune idée des difficultés que tu vivras, toi, avec ta petite famille.

Deuxièmement, je sais que même si tu peux entendre ce que j'ai à te dire, tu te diras « oui, mais moi, ça sera différent, je serai plus forte, plus préparée ». Je te le souhaite, évidemment, tu ne sais pas à quel point je te le souhaite ! Mais je sais aussi qu'on se berce de beaucoup d'illusions durant la grossesse, et que le retour à la réalité peut être brutal. Qu'en mettant un enfant au monde, on est très fragile, peut-être encore plus que durant la grossesse. Je le sais, parce qu'une amie avait tenté de me prévenir... en vain. Rétrospectivement, je me dis que si j'avais su tout ça, à quel point c'était normal, j'aurais bien mieux vécu les premiers mois de vie de ma fille. Alors j'ai envie de te faire passer le message, à toi, mais aussi à toutes les futures mamans : ça va être parfois difficile, pour différentes raisons, mais ça sera normal, et ça passera, et ça ne remet en rien en question tes compétences de maman.