De l'ange au démon : L'enfant de 2 ans et son terrible two

13/10/2020

Voix d'experts - Le terrible two... Qu'est-ce que c'est ?

Alison Rorive, neuropsychologue/psychologue


Période tant redoutée par les parents tellement elle peut être épuisante mais ô combien importante pour l'enfant !

Le développement de l'enfant est caractérisé par deux grandes périodes d'individuation, la première vers deux ans et la seconde à l'adolescence. Ces périodes sont plus ou moins longues en fonction de l'enfant, de son tempérament et de l'impact de son environnement. Pour certains, ça ne va durer que quelques semaines, mois et pour d'autres, on parlera en années.


Certains considèrent que le terrible two peut durer jusqu'aux 4 ans de l'enfant. D'autres estiment qu'il s'agit d'une période de crise distincte, appelée : « Fucking four ». Elle est très semblable au « Terrible two » mais diffère dans ses manifestations. En effet, ces dernières seront moins motrices (crise de colère, agitation,...) et d'avantage tournées vers le verbal (opposition verbale, négociation,...).

Aux alentours de deux ans, l'enfant prend conscience que c'est un individu à part entière, qu'il a ses propres besoins, envies, etc... Il gagne de plus en plus en autonomie et a envie de faire les choses par lui-même. C'est à ce moment qu'apparait la fameuse phase du « non ». L'enfant va s'opposer aux demandes de ses parents, il va être confronté à la frustration et les crises de colère peuvent être plus fréquentes et gagner en intensité. Il est important de garder à l'esprit que le cerveau de l'enfant est en pleine construction et qu'à cet âge, il est incapable de réguler par lui-même ses émotions (N'oublions pas qu'en tant qu'adulte, il nous arrive encore parfois de nous laisser envahir et déborder par ces dernières) c'est pourquoi les crises peuvent sembler si violentes.

C'est une période qui peut s'avérer très déstabilisante pour les parents et les mettre à rude épreuve. Alors comment réagir ? Faut-il punir l'enfant ? Si oui, comment ? Doit-on céder ou garder le cap ?

Tout d'abord, je voudrais rappeler l'importance d'avoir en tête que leur cerveau est en construction et que donc, NON, ils ne le font pas exprès ! Ils n'en n'ont tout simplement pas les moyens, « cérébralement » parlant ! L'enfant est débordé par ce qu'il ressent et doit donc être accompagné dans la gestion de ses émotions (des trucs et astuces vous serons proposés dans un article consacré aux émotions).

Afin de traverser au mieux cette période, il est conseillé d'utiliser des règles plutôt que des interdictions. Pourquoi me demanderez-vous ? Parce que les règles permettent de mettre en évidence le comportement qu'on attend de l'enfant. Pour être efficaces, elles doivent être claires, précises et stables dans le temps ce qui permettra à l'enfant d'évoluer dans un milieu « sécuritaire » pour lui. Et puis, comme on le sait, les interdictions sont faites pour être transgressées (qui n'a jamais pris un malin plaisir à marcher sur une pelouse au milieu de laquelle trône un panneau indiquant : Interdiction de marcher sur la pelouse). Dans le même ordre d'idée, il est conseillé de ne pas utiliser la négation lorsque nous parlons à nos enfants car le cerveau inhibe la négation et met en évidence les mots clés.

« Ce n'est pas important », « Ne t'énerve pas », « Ne t'inquiète pas »,... Ce sont les mots en gras qui vont prédominer dans l'esprit de l'enfant.


Que faire ?

- Utilisez des phrases positives : « Ce n'est rien », « Sois rassuré »,...

- Utilisez la négation à bon escient : Préférez « Ce n'est pas facile » à « C'est difficile »

Voici quelques exemples :


Lorsque l'enfant est en crise, il est déconseillé d'essayer de discuter avec lui. En effet, à ce moment, il est dans l'incapacité de pouvoir raisonner. On attendra donc que la vague d'émotions soit passée pour pouvoir discuter avec lui, faire le rappel des règles et/ou réfléchir avec lui sur une stratégie plus adéquate qu'il pourra mettre en place ultérieurement. Il n'est pas question d'être dans le jugement mais de mettre en place une stratégie de communication efficace. En utilisant par exemple la méthode OSBD (Marshall B. Rosenberg ):


Les punitions ont longtemps fait débat et sont toujours un sujet de discorde à l'heure actuelle. Des études scientifiques ont mis en évidence que les punitions pouvaient fonctionner sur le court terme mais elles n'impliquent pas de changement sur le long terme. Il n'y a donc pas d'apprentissage « cause-conséquence » et ce, notamment parce que les punitions sont souvent disproportionnées et n'ont aucun lien direct avec le fait commis. Les punitions ne doivent jamais concerner un besoin fondamental ou affectif. Il semblerait plus judicieux d'utiliser la réparation. Par exemple, si un enfant renverse un verre, on lui demande d'essuyer... De cette façon, un apprentissage sur le long terme peut être envisagé.

En ce qui concerne la mise au coin/mise à l'écart, il faut s'assurer que l'enfant ne souffre pas d'une angoisse de séparation auquel cas cette mise à l'écart sera mal vécue et ne permettra pas la prise de conscience, la situation étant trop anxiogène pour l'enfant. Il est préférable de choisir un endroit à vue de l'adulte dans lequel on met une petite chaise sur laquelle l'enfant va s'asseoir pour réfléchir et/ou calmer ses émotions (prévoir une boîte dans laquelle se trouve des activités permettant à l'enfant de faire retomber les émotions - bâton de paillette, dessin,...- Il faudra bien entendu lui expliquer, dans un moment de calme, à quoi sert cet endroit et comment il doit faire. Il est généralement conseillé de laisser l'enfant 1 minute par tranche d'âge avec un maximum de 5 minutes).


Et les récompenses ? Il existe de nombreux tableaux de récompense mais ils doivent être utilisés avec prudence. Les comportements ciblés doivent être formulés de façon positive, ils ne peuvent être qu'au nombre de 3 maximum. Ils doivent être discutés ensemble et que toutes les parties soient en accord. Une fois ceux-ci mis en évidence les autres devront être mis sur le côté (ce qui demande un gros travail pour le parent qui ne devra se concentrer que sur ces trois comportements dans un premier temps). Les récompenses devront être discutées en famille. La récompense doit être immédiate, c'est -à-dire qu'on n'attend pas la fin de la semaine. L'enfant pourrait se décourager ou baisser les bras s'il échoue en début de semaine. Ces récompenses doivent être simples et être appréciées par l'enfant : autocollant, un jeu de société en famille, un moment privilégié avec un ou l'autre parent, une promenade dans les bois, des minutes en plus pour le temps d'écran, l'autorisation de commencer le repas par le dessert, .... . L'important, c'est qu'elles soient simples, à votre portée, gratuite si possible, facile à mettre en place mais surtout qu'elles conviennent à VOTRE famille !

On conseillera également d'essayer de pointer les moments où l'enfant se comporte bien (renforcement positif) dans l'espoir de voir ces comportements se reproduire. Lorsqu'on met en évidence tout ce que l'enfant ne fait pas correctement, on renforce également ces comportements et on court le risque de les voir réapparaître.


Pour aller plus loin, je vous propose plusieurs lectures :

  • « J'ai tout essayé ! », Isabelle Filliozat, éditions Marabout.
  • « Il me cherche », Isabelle Filliozat, éditions Marabout.
  • « Aidez votre enfant à coopérer sans cris ni punitions », S.Couturier et C.Benoît, éditions Marabout.

Parfois, ces comportements d'opposition, d'agressivité,... se maintiennent dans le temps, avec une fréquence d'apparition et une intensité significativement plus importante que ce qu'on rencontre chez les enfants du même âge. Il s'agit alors de tout autre chose mais nous aborderons ce sujet dans un autre article...