Le plus beau jour de ta vie, disaient-ils

16/08/2020

Voix parentales - ''L'accouchement, cette aventure paranormale" : Le plus beau jour de ta vie, disaient-ils

Sarah W.

J'abordais l'accouchement sereinement. La péridurale avait arrêté les douleurs, je somnolais. Presque 21h après l'admission en maternité, la poussée commence.
Et tout se corse. Ma fille ne sort pas. Le gyné pose un ultimatum: dernier essai avant la césarienne en urgence. Son petit cœur ralentit beaucoup, il faut agir vite ! Et enfin, elle hurle à pleins poumons. Je peux la voir, la toucher. Elle va bien.
Oui, cet instant est véritablement magique. J'oublie tout, les problèmes de grossesse, les heures de travail, les inquiétudes de toutes sortes.
Et puis, c'est flou. J'ai froid, terriblement soif, mes jambes tremblent. Je vois mon reflet : blafarde, les lèvres bleues. Je n'ai pas beaucoup ma fille sur moi, et n'ai pas de souvenirs précis de ces moments.
J'ai entendu le gyné demander à mon mari s'il comprenait ce qui se passait. Il a répondu "je comprends trop bien".
Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé. Je vois mon mari assis à côté de moi, notre petite merveille dans les bras. Soudain, il fond en larmes. Cet homme si solide pleure, mais pas de joie. Je ne comprends pas. L'adorable sage-femme lui dit de lâcher la pression, et met des mots sur ce qu'on a vécu. Accouchement "pas normal". Hémorragie massive. Elle nous encourage à en parler, entre nous, avec d'autres.


Restent les conséquences. Je suis terriblement faible. Je ne peux pas effectuer les soins de mon propre bébé. Au début, je m'évanouis si je suis debout. Papa assure, il s'occupe comme un pro de notre fille, et je me sens incompétente, incapable. Je n'arrive même pas à bien la nourrir: mon corps m'a comme lâchée, la lactation tarde et ne suffit pas. J'ai peur de garder ma fille sur moi, de m'endormir et de l'écraser. Il n'y a que dans son petit berceau collé à mon lit que je la sais en sécurité. Mais elle avait besoin de mon contact, de ma chaleur. J'ai échoué dans mon rôle de mère lors de ces premiers jours.

Et c'est le plus difficile. Au-delà des douleurs physiques, sutures, cicatrices, il perdure, bien plus longtemps, cette souffrance psychologique de ne pas avoir été à la hauteur. La crainte que cela ait de graves conséquences sur notre relation, sur l'attachement.
J'ai aussi réalisé que mon mari a cru nous perdre toutes les deux en l'espace d'une heure. De par son métier, il a compris tout ce qui se jouait, sans pouvoir intervenir.

Il a été difficile d'en parler. Non pas que je ne voulais pas, mais lorsqu'on demande si ça s'est bien passé et que vous répondez non, s'ensuit un malaise et rapidement la conclusion "au final, tout le monde va bien, c'est ce qui compte". Difficile d'exprimer réellement ce que vous ressentez, ce que vous avez vécu, les cicatrices que vous gardez.
Le plus beau jour de ma vie? Plutôt le premier jour de ma nouvelle merveilleuse vie, en tant que maman de cette petite fille que j'aime à l'infini. Nous avons construit une magnifique relation, et au final, les plus beaux jours de ma vie étaient à venir.